La Mère, Entretiens, 24 juillet 1957
» Le temps que cela prendra, est difficilement prévisible. Cela dépendra beaucoup de la bonne volonté et de la réceptivité d’un certain nombre, parce que l’individu avance toujours plus vite que la collectivité et que, par sa nature même, l’humanité est destinée à manifester le Supramental avant le reste de la création.
À la base de cette collaboration, il y a nécessairement la volonté de changer, de ne plus être ce que l’on est, que les choses ne soient plus ce qu’elles sont. Il y a plusieurs moyens d’arriver là, et tous les moyens sont bons quand ils réussissent ! On peut être profondément dégoûté de ce qui est et vouloir avec ardeur sortir de tout cela et atteindre quelque chose d’autre ; on peut — et c’est un moyen plus positif — on peut sentir au-dedans de soi le contact, l’approche de quelque chose de positivement beau et vrai, et laisser tomber tout le reste volontairement pour que rien n’alourdisse la marche vers cette beauté et cette vérité nouvelles.
Ce qui est indispensable, dans tous les cas, c’est l’ardente volonté de progrès, le renoncement volontaire et joyeux de tout ce qui entrave la marche : rejeter loin de soi ce qui vous empêche d’avancer, et s’en aller vers l’inconnu avec la foi ardente que c’est la vérité de demain, inéluctable, qui se produira nécessairement, que rien, ni personne, aucune mauvaise volonté, même celle de la Nature, ne peut empêcher de devenir la réalité — peut-être pas d’un futur lointain — , une réalité qui s’élabore en ce moment et que ceux qui savent changer, qui savent ne pas être alourdis par les habitudes anciennes, auront sûrement le bonheur, non seulement de percevoir, mais de réaliser.
On s’endort, on oublie, on se laisse vivre — on oublie, on oublie tout le temps… Mais si l’on pouvait se souvenir… qu’on est à une heure exceptionnelle, à une époque unique ; qu’on a cet immense bonheur, ce privilège inestimable d’assister à la naissance d’un monde nouveau, on pourrait facilement se débarrasser de tout ce qui entrave et empêche d’avancer.
Ainsi, le plus important semble de se souvenir de ce fait ; même quand on n’en a pas l’expérience tangible, d’en avoir la certitude et la foi; se souvenir toujours, se le rappeler constamment, s’endormir avec cette idée, se réveiller avec cette perception ; tout ce que l’on fait, le faire avec, à l’arrière-plan, comme un support constant, cette grande vérité que l’on assiste à la naissance d’un monde nouveau.
Nous pouvons y participer, nous pouvons devenir ce monde nouveau. Et vraiment, quand on a une occasion si merveilleuse, on doit être prêt à tout abandonner pour cela. »